À l’Espace zoologique de Saint-Martin-la-Plaine, le calme règne, mais dans l’ombre des enclos, une prouesse médicale s’est jouée. Yembé, un majestueux lion de 5 ans, vient de subir une opération dentaire d’une extrême rareté. Une intervention à la frontière de la médecine humaine et vétérinaire, marquée par une première mondiale : une greffe osseuse de lion à lion.
Des dents invisibles, un danger bien réel
Yembé souffrait en silence. Ses molaires, restées coincées dans sa mandibule, n’avaient jamais percé. Un phénomène rare chez les félins, mais aux conséquences sérieuses : des kystes se sont formés à l’intérieur de sa mâchoire, fragilisant dangereusement l’os.
« Il a fallu deux interventions chirurgicales pour retirer ces molaires qui ont poussé dans la mandibule », explique Laurène Gantner, vétérinaire à Saint-Martin-la-Plaine. La première, en décembre dernier, a permis d’extraire la plus petite des deux dents. La seconde, ce vendredi, s’attaquait à la plus massive.
Un trou minuscule pour un gros enjeu
L'opération, aussi complexe que minutieuse, s’est voulue la moins invasive possible. Grâce à un trou plus petit qu’une pièce de 2 euros, les spécialistes en chirurgie vétérinaire, les docteurs Cachon et De Chaisemartin, ont extrait la dent morceau par morceau, évitant ainsi d’ouvrir largement la mandibule déjà affaiblie.
Une fois la dent retirée, restait un vide béant à combler. Et c’est là qu’une innovation est née : une greffe osseuse réalisée à partir d'os d’un autre lion, décédé. Une allogreffe inédite à l’échelle mondiale.
Une première mondiale orchestrée en Auvergne
C’est le laboratoire OST, basé en Auvergne et spécialisé habituellement dans les greffes humaines, qui a préparé cette greffe exceptionnelle. Moulée sur mesure à partir d’un scanner de la mâchoire de Yembé, elle a été insérée avec précision dans la cavité laissée par la molaire et les kystes.
« On n’a trouvé aucune publication mondiale parlant d’une telle greffe chez le lion. C’est une première, aussi bien pour nous que pour le laboratoire », précise Laurène Gantner. Un vrai bond en avant pour la chirurgie vétérinaire.
Un lion choyé pour une guérison sans heurts
Depuis l’opération, Yembé récupère sereinement. Sous surveillance constante, il bénéficie d’un traitement adapté : antibiotiques, anti-inflammatoires, anti-douleurs… et même une alimentation spéciale sans os, pour ne pas solliciter sa mâchoire encore fragile.
« Il va très bien. Il profite du soleil dans son enclos, et ne montre aucun signe de gêne », rassure Laurène Gantner. Les points de suture tiennent, la greffe prend, et la mâchoire commence à se reconstruire.
Il ne lui reste plus de dents à cet endroit, mais les douleurs ont disparu. Et surtout, plus rien ne l’empêche de croquer à nouveau la vie… à pleines dents.
AC