Dans cette structure médico-psycho-pédagogique installée rue Marengo, on accueille chaque jour des enfants en situation de handicap, souvent issus de milieux précaires, qui ont besoin de soins spécialisés : orthophonie, psychomotricité, suivi éducatif, soutien psychologique. Mais depuis plusieurs mois, les professionnels ont le sentiment de ne plus pouvoir faire leur métier correctement.
« On travaille en mode dégradé », souffle Roland Obéji, psychomotricien et représentant syndical UNSA. Il décrit une équipe "petite, très sollicitée", dans laquelle plusieurs collègues sont en arrêt maladie ou partis à la retraite, sans jamais être remplacés. « Et ce mode dégradé-là fait qu’on réalise notre tâche avec le sentiment qu’elle est insatisfaisante pour les familles. On est vraiment en difficulté, et derrière, au lieu de chercher à nous soutenir, on a le sentiment qu’on est poussés vers la sortie. »
Ce malaise s’est transformé en ras-le-bol. Pour la première fois depuis la création du Pôle Enfance, les salariés ont choisi de se mettre en grève. Un signal fort, à la hauteur de leur détresse.
Le cœur du problème, selon eux, c’est la manière dont l’établissement est aujourd’hui dirigé : une gestion perçue comme de plus en plus "managériale", calquée sur les modèles du privé, loin des réalités du médico-social.
Le personnel constate aussi un glissement progressif des tâches. Des missions de secrétariat sont transférées aux soignants, les temps de consultation sont réduits, les charges administratives s'accumulent.
Pour Marion Sirieix, assistante sociale au sein de l’établissement, cette réorganisation est lourde de conséquences : « Le service rendu aux familles se dégrade. Ce sont souvent des familles stéphanoises en grande précarité, avec des enfants qui ont des besoins importants. Et nous, on a l’impression de ne plus être à la hauteur. » Elle parle de « perte de sens », un mot qui revient souvent chez les grévistes. « Quand on fait ces métiers — psychologue, médecin, orthophoniste —, c’est pour aider des gens. Et si on ne peut plus leur apporter ce dont ils ont besoin, qu’est-ce qu’on fait là ? »
La grève n’a duré qu’un peu plus d’une heure. Les salariés demandent une écoute réelle, la reconnaissance de leur souffrance, et un changement de cap. Ils dénoncent un démantèlement progressif des pratiques construites sur le terrain, une perte de dialogue social, et une pression croissante sur des équipes déjà fragilisées.
Contactée, la direction de l’APF France Handicap n’a pas souhaité répondre à nos sollicitations.
AC







